Dépression—Algorithme et FAQ pour cliniciens

Dépistage de la dépression en soins primaires: Pour les adultes présentant un risque moyeni ou accruii de dépression, nous recommandons de ne pas effectuer un dépistage systématique (recommandation faible, données probantes de très faible qualité).

Cette ligne directrice s’applique aux adultes (de 18 ans ou plus) qui ne présentent aucun symptôme apparent de dépression. Elle ne s’applique pas aux personnes qui ont des antécédents connus de dépression ou qui sont traitées pour une dépression.

 

QUE SIGNIFIENT CES RECOMMANDATIONS?

Les personnes qui ne présentent aucun symptôme apparent de dépression sont celles qui:

  • n’expriment rien qui puisse suggérer une dépression potentielle;
  • ne présentent aucun signe apparent de dépression (attitude, expression faciale, langage corporel, comportement); et
  • ne présentent aucun indice clinique (Encadré 1) de dépression.

Le dépistage n’est pas recommandé, mais pourrait être approprié dans certains cas – voir les scénarios ci-dessous pour quelques exemples.

Encadré 1: Indices cliniques de dépression (tirés du DSM IV – TR)
  1. Humeur dépressive
  2. Baisse de l’intérêt ou du plaisir
  3. Changement significatif du poids ou de l’appétit
  4. Insomnie ou hypersomnie
  5. Agitation psychomotrice ou ralentissement psychomoteur
  6. Fatigue ou perte d’énergie
  7. Sentiment d’inutilité ou culpabilité excessive ou inappropriée
  8. Capacité réduite de réfléchir ou de se concentrer ou indécision
  9. Pensées récurrentes relatives à la mort; plan ou tentative de suicide, ou idées suicidaires

 

COMMENT APPLIQUER CES RECOMMANDATIONS DANS MA PRATIQUE?

Scénario Conduite possible
La personne ne présente aucun symptôme apparent; on ne soupçonne pas la dépression et la personne ne pose pas de questions sur le dépistage de la dépression.

ou

La personne ne présente aucun symptôme apparent, mais ses proches s’interrogent sur la possibilité de dépression.

  • Demeurez sensible aux changements d’attitude, d’expressions faciales, de langage corporel ou de comportement entre les consultations.
  • Restez à l’affût des indices cliniques (Encadré 1) de dépression que la personne pourrait manifester.
  • Utilisez ce que vous savez des préférences et valeurs de la personne et votre jugement clinique pour déterminer à quel moment un dépistage de la dépression pourrait être approprié.
La personne présente des symptômes de dépression. Les personnes symptomatiques doivent faire l’objet d’une évaluation appropriée de la dépression.
La personne souffre de dépression avérée, a des antécédents de dépression ou est traitée pour une dépression. Cette ligne directrice ne s’applique pas à cette personne.

QUESTIONS FRÉQUENTES AU SUJET DU DÉPISTAGE DE LA DÉPRESSION

Pourquoi le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs (GECSSP) recommande-t-il de ne pas procéder au dépistage des adultes appartenant aux groupes présentant un risque moyen et accru?

La décision du GECSSP de ne pas recommander le dépistage se fonde sur l’absence de preuves quant aux avantages et aux inconvénients d’un dépistage systématique chez les adultes qui ne présentent pas de symptômes apparents de dépression. Malgré l’absence de preuves, le GECSSP s’inquiète des inconvénients que pourrait causer un dépistage (p. ex., faux positifs et traitement inutile).

En l’absence d’un avantage clairement démontré du dépistage et en tenant compte des risques potentiels, le GECSSP recommande de ne pas procéder d’emblée au dépistage chez les adultes appartenant aux groupes présentant un risque moyen et accru sans symptôme apparent de dépression.iii

 

Quelle est la définition de « dépistage »?

Le dépistage consiste à poser des questions ciblées ou à administrer un test ou un questionnaire à tous les adultes ne présentant pas de symptômes apparents de dépression, afin de reconnaître ceux qui pourraient en souffrir. Le dépistage peut s’effectuer en posant systématiquement une ou deux questions au sujet de la dépression ou en utilisant un outil de dépistage.

 

Comment puis-je rester à l’affut du risque de dépression sans questionner la personne sur son bien-être psychologique?

Les personnes peuvent présenter des signes ou des indices cliniques de dépression, dont certains sont apparents sans même questionner les individus. De plus, certaines personnes qui consultent pour d’autres problèmes de santé peuvent souffrir de dépression non diagnostiquée. Les médecins doivent reconnaître les symptômes de dépression tant verbaux que non verbaux, par exemple :

  • Rester ouvert et sensible aux changements d’attitude, d’expressions faciales, de langage corporel ou de comportement durant une consultation clinique; ces signes peuvent aider à déceler une dépression possible.
  • Rester attentif aux indices de dépression que donne une personne même si elle ne fait peut-être pas elle-même de lien entre ceux-ci et la dépression (Encadré 1).

Porter attention aux indicateurs cliniques de dépression et évaluer les adultes symptomatiques, le cas échéant.

 

Ma clinique pose des questions standard sur l’humeur et les signes de dépression dans les formulaires d’accueil remis aux patients qui consultent en soins primaires et dans d’autres formulaires ou services. Est-ce que cela constitue un dépistage de la dépression?

Dès qu’un instrument de dépistage validé est utilisé, oui, cela est considéré comme une forme de dépistage. Comme nous l’avons mentionné précédemment, il est important de se rappeler que les instruments de dépistage peuvent comporter une ou deux questions ou toute une série de questions.

Le GECSSP ne recommande pas le dépistage chez les personnes qui ne présentent aucun symptôme apparent de dépression, mais les médecins ou les cliniques peuvent tenir compte du contexte où ils/elles exercent pour décider à quel moment le dépistage est approprié. Par exemple, les systèmes dotés de personnel supplémentaire (c.-à-d., milieux de soins primaires qui emploient des professionnels non médicaux pour la prise en charge et le suivi de la dépression) pourraient être plus efficaces pour améliorer la réponse au traitement. Les médecins qui exercent au sein d’un système doté de tels effectifs pourraient être plus enclins à offrir un dépistage par l’entremise de formulaires standard ou durant des consultations en soins primaires, puisque le traitement est plus susceptible d’être efficace lorsque ces systèmes sont en place.

 

Les lignes directrices émanant d’autres organisations qui s’occupent de maladies ou de populations particulières (p. ex., période du post-partum chez la femme) préconisent le dépistage de la dépression. Quelle ligne directrice dois-je suivre?

La recommandation du GECSSP à l’égard du dépistage de la dépression est de catégorie faible. Cela signifie que même si cette mesure est appropriée pour la plupart des gens, elle pourrait ne pas l’être pour d’autres patients. Les médecins doivent tenir compte de la ligne directrice du GECSSP et se baser sur les antécédents d’un patient, son état de santé physique, ses préférences et ses valeurs pour déterminer la conduite à tenir.

 

NOTES

  1. Groupe à risque moyen : toutes les personnes de 18 ans ou plus qui ne présentent aucun symptôme apparent de dépression.
  2. Sous-groupe susceptible de présenter un risque accru: antécédents familiaux de dépression; événement traumatisant de la vie survenu récemment ou durant l’enfance; problèmes de santé chroniques; mésusage de substances; situation périnatale et post-partum; origine autochtone.
  3. On trouvera sur le site Web du GECSSP les descriptions détaillées des méthodes utilisées par le Groupe, y compris l’application du système « GRADE » (Grades of Recommendation, Assessment, Development and Evaluation), pour déterminer la force de ses recommandations.