Dépression chez l’adulte (mise à jour)—Résumé à l’intention des cliniciens

Ce guide de pratique clinique sur le dépistage de la dépression chez les adultes offre des orientations aux cliniciens en soins primaires ou dans d’autres milieux non liés à la santé mentale (par exemple, médecins, infirmières ou autres fournisseurs) qui pourraient servir de premier point de contact pour les soins.

Population

La population cible est constituée d’adultes âgés de 18 ans et plus. Ce guide de pratique clinique s’applique à ceux qui pourraient être à un risque accru de dépression. Il ne s’étend pas aux adultes déjà évalués pour des troubles de santé mentale, qui cherchent des services à cause de symptômes de dépression, ni à ceux qui ont déjà reçu un diagnostic de trouble dépressif majeur.

Recommandation

Le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs recommande de ne pas effectuer de dépistage systématique de la dépression au moyen d’un instrument (soit un questionnaire comportant un seuil qui permet de distinguer les résultats «positifs» des résultats «négatifs») soumis aux adultes de 18 ans et plus (recommandation forte, données de très faible certitude).

Cette recommandation souligne l’importance d’une bonne pratique clinique, où les cliniciennes et cliniciens s’enquièrent du bien-être de leurs patients et restent vigilants face aux symptômes et signes de dépression.

Mise en pratique des recommandations

Le terme « dépistage » dans cette recommandation fait référence à un processus systématique par lequel les fournisseurs de soins primaires utilisent un instrument, comme un questionnaire, auprès de tout adulte qui ne signale pas déjà des symptômes de dépression, puis utilisent un score pour déterminer une action de suivi pour ceux dont le score est égal ou supérieur à un seuil prédéfini.

Conseils aux cliniciens en soins primaires ou dans d’autres milieux non liés à la santé mentale :

  • Rester vigilant face aux patients présentant des facteurs de risque de dépression ou présentant des symptômes dépressifs, et fournir une évaluation complémentaire selon l’indication clinique.
  • Le groupe d’étude ne recommande pas un dépistage systématique de la dépression à l’aide d’instruments (utilisant un questionnaire avec un seuil pour distinguer le statut « positif au dépistage » et « négatif au dépistage ») soumis aux adultes de 18 ans et plus pour la dépression.

La plupart des provinces et territoires n’ont pas d’orientations spécifiques concernant l’évaluation de la dépression chez les adultes.

Fardeau de la maladie

La prévalence à vie du trouble dépressif majeur chez les personnes sans trouble bipolaire a été estimée à 9,9% en 2012, et la prévalence annuelle à 3,9%. La prévalence chez les Canadiens âgés de 15 ans et plus vivant un épisode dépressif majeur a augmenté depuis 2012. Entre 2012 et 2022, la prévalence des épisodes dépressifs majeurs au cours de la vie a augmenté de 11,3% à 14,0%, et la prévalence des épisodes dépressifs majeurs sur 12 mois a augmenté de 4,7% à 7,6%.

Conséquences potentielles de la dépression

  • Qualité de vie inférieure
  • Idées suicidaires
  • Conditions médicales chroniques
  • Augmentation des taux d’admission à l’hôpital
  • Stigmatisation

Fondement de recommandation

Données probantes

Notre revue systématique comprenait 3 essais contrôlés randomisés qui ont spécifiquement isolé les effets du dépistage de la dépression dans trois milieux de soins primaires. Les participants étaient des adultes aux États-Unis récemment diagnostiqués avec un syndrome coronarien aigu (SCA), des adultes au Royaume-Uni consultant pour des symptômes d’arthrose (AOS), et des mères chinoises à 2 mois post-partum.   

Les trois études ont donné des résultats très incertains ou a montré peu ou pas de différence dans les symptômes de dépression entre ceux qui ont été dépistés et ceux qui ne l’ont pas été.

Deux essais ont rapporté des résultats sur la qualité de vie liée à la santé. L’essai sur le SCA a montré peu ou pas de différences dans le changement de la qualité de vie (QALY) du départ à 18 mois ou dans les scores utilitaires de qualité de vie à 18 mois. L’étude sur l’AOS a rapporté un effet très incertain du dépistage sur la qualité de vie à 12 mois.

Deux études ont rapporté les méfaits du dépistage. L’essai sur le SCA a rapporté peu ou pas de différence entre le dépistage et le non-dépistage sur les méfaits potentiellement attribuables à l’utilisation de médicaments antidépresseurs à 18 mois. L’essai sur le post-partum a rapporté qu’aucun effet indésirable n’a été identifié (données de très faible certitude).   

Aucune étude n’a rapporté directement le taux de diagnostic de dépression à l’aide d’une entrevue diagnostique validée à un moment de suivi, ni sur le comportement suicidaire, la fonctionnalité quotidienne, le temps perdu au travail ou à l’école, l’impact sur le mode de vie, l’étiquetage ou la stigmatisation, les résultats faux positifs, le surdiagnostic ou le surtraitement.

Justification

Cette forte recommandation repose sur des données de certitude modérée montrant que le dépistage a probablement peu ou pas d’impact sur les symptômes de dépression ou sur la qualité de vie liée à la santé, issues d’un seul essai, ainsi que sur des données très incertaines quant à l’impact du dépistage issues de deux autres essais.

Bien qu’aucun essai n’ait rapporté de méfaits du dépistage tels que les faux positifs, le surdiagnostic ou le surtraitement, le dépistage entraînera une augmentation des faux positifs, et peut entraîner des références et des évaluations diagnostiques inutiles, ainsi qu’un surdiagnostic pour certains patients, réduisant ainsi les ressources disponibles pour ceux ayant des problèmes de santé mentale connus. Une méta-analyse utilisant des données individuelles de patients a fourni des informations précises sur un outil de dépistage utilisé dans les essais que nous avons identifiés. L’analyse estime que le dépistage de 100 patients avec le PHQ-9 utilisant le seuil commun de 10 donnerait 9 vrais positifs, 2 faux négatifs, 13 faux positifs et 76 vrais négatifs.

Compte tenu des défis importants liés à l’accès aux services de santé mentale au Canada, le détournement inutile des ressources du traitement des patients ayant des problèmes de santé mentale pourrait constituer un méfait non intentionnel du dépistage. Le Groupe d’étude a conscience des problèmes de ressources que connaît notre système de soins primaires et, par conséquent, formule des recommandations à l’encontre des interventions dont les répercussions sur les ressources sont manifestement importantes, alors que leurs bienfaits n’ont pas été démontrés.