Tabagisme chez l’adulte—Résumé à l’intention des cliniciens

Ce guide de pratique clinique porte sur les interventions visant à soutenir la cessation tabagique. Ce guide de pratique clinique s’adresse aux praticiens de soins primaires, définis comme des professionnels de la santé qui fournissent des soins accessibles, continus, complets et coordonnés et qui sont le premier contact dans le système de santé.

Population

Le présent guide de pratique clinique sur la cessation tabagique s’applique aux personnes non enceintes âgées de 18 ans et plus qui fument actuellement des cigarettes de tabac. Il inclut les personnes qui fument régulièrement ou occasionnellement et celles qui sont motivées ou non à cesser de fumer.

Recommandations clés

  • Dans le cadre de bons soins cliniques, les fournisseurs doivent connaître le statut tabagique de leurs patients. Nous recommandons que toutes les personnes qui fument des cigarettes de tabac soient encouragées à cesser de fumer et qu’on leur propose une ou plusieurs interventions d’abandon du tabac recommandées (recommandation forte, données de certitude élevée).
    • Les personnes qui fument devraient participer à une prise de décision partagée dans le choix des interventions à utiliser. Cela implique un processus collaboratif pour aider les gens à faire des choix qui correspondent aux données probantes et à leurs propres valeurs et préférences.
  • Nous recommandons plusieurs options d’intervention comportementale, de pharmacothérapie et combinée (recommandation forte) :
    • Pharmacothérapie et approches comportementales combinées (certitude faible de l’estimé de l’effet)
    • Comportementale (certitude faible à élevée de l’estimé de l’effet selon les interventions)
      • Conseils ou éducation par un fournisseur de soins de santé
      • Counseling individuel ou de groupe par un conseiller formé en cessation tabagique
      • Interventions basées sur les messages textes de téléphones mobiles
      • Outils d’auto-assistance
    • Pharmacothérapie (certitude faible à modérée de l’estimé de l’effet selon les interventions)
      • Bupropion
      • Cytisine
      • TRN
      • Varénicline
  • Nous suggérons que des programmes interactifs informatisés ou en ligne avec un soutien comportemental supplémentaire puissent être envisagés (recommandation conditionnelle, certitude très faible de l’estimé de l’effet).
  • Nous suggérons de ne pas utiliser des programmes interactifs informatisés ou en ligne sans soutien comportemental supplémentaire (c.-à-d. ceux qui ne comportent qu’une interaction entre la personne et un site Web ou une application) (recommandation conditionnelle, certitude très faible de l’estimé de l’effet).
  • Nous recommandons de ne pas utiliser plusieurs autres types d’interventions (recommandation forte, certitude très faible à faible de l’estimé de l’effet selon les interventions) :
    • Acupuncture
    • Stimulation continue de l’oreille ou auriculothérapie (à l’aide d’aiguilles implantées ou d’autres moyens pour appliquer une stimulation continue à l’oreille
    • Hypnothérapie
    • Thérapie au laser (application de lasers de faible intensité à des sites anatomiques spécifiques)
    • Électrostimulation (application de courant électrique de sites anatomiques spécifiques sur la tête)
    • S-adénosyl-L-méthionine (SAMe)
    • Millepertuis
  • Nous suggérons de ne pas utiliser la cigarette électronique pour cesser de fumer, sauf dans certaines circonstances (recommandation conditionnelle, certitude faible de l’estimé de l’effet).
    • Pour les personnes qui ont tenté d’autres interventions sans succès, qui refusent d’essayer d’autres interventions ou qui expriment une forte préférence pour la cigarette électronique, les praticiens peuvent s’engager dans une prise de décision partagée concernant l’utilisation possible des cigarettes électroniques avec ou sans nicotine.
    • Les personnes qui décident d’utiliser la cigarette électronique pour arrêter de fumer doivent être informées des incertitudes liées à son utilisation. Il s’agit notamment de l’absence de produits thérapeutiques approuvés avec des formulations constantes, du manque de données sur l’innocuité à long terme et du fait que l’utilisation continue de cigarettes électroniques contenant de la nicotine ne résout pas leur dépendance à la nicotine puisque cette substance continue d’être consommée.

Mise en pratique des recommandations

Il est conseillé aux cliniciens en milieu de soins primaires de :

  • Évaluer régulièrement le statut tabagique et conseiller aux patients qui fument d’arrêter de fumer dans le cadre des soins standards.
  • S’engager dans un processus collaboratif basé sur le menu des interventions recommandées et utilisant une approche de prise de décision partagée pour harmoniser les options d’abandon efficaces avec les valeurs, les préférences, les comportements liés au tabagisme et les circonstances de la vie de chaque patient.
    • La prise de décision partagée devrait informer et responsabiliser les patients, et non les persuader d’utiliser une intervention spécifique
  • S’attendre à ce que les patients aient besoin de plusieurs tentatives de cessation avec des approches différentes ou combinées; s’ils rechutent, réengagez-les en utilisant la prise de décision partagée à explorer de nouvelles options ou reprendre certaines options déjà essayées.
  • Travaillez à soutenir les patients pour qu’ils essaient des interventions fondées sur des données probantes. Le menu d’options efficaces du Groupe d’étude peut guider les discussions. Il n’y a pas de meilleur choix unique qui convienne à l’ensemble des patients et cliniciens mais il n’est pas nécessaire de passer en revue toutes les options avec chaque personne.
  • La réduction des inégalités liées au tabac nécessite des efforts coordonnés au-delà des soins primaires; ce guide de pratique clinique éclaire également les actions du public et des décideurs. Les recommandations s’appliquent au tabac commercial (y compris roulé à la main), à l’exclusion de l’usage traditionnel ou de cérémonie.

Fardeau de la maladie

En 2022, 11% des Canadiens âgés de 15 ans et plus fumaient actuellement du tabac (13% des hommes et 9% des femmes), et environ 75% d’entre eux fumaient quotidiennement. Les populations canadiennes à forte prévalence comprennent les personnes célibataires, séparées, divorcées ou veuves; qui s’identifient comme gaies ou bisexuelles; qui ont un niveau de scolarité inférieur; qui sont des travailleurs dont l’emploi n’exige pas de formation ou de niveau de scolarité particulier; qui s’identifient comme Premières Nations, Inuits ou Métis; ou qui ont un diagnostic de santé mentale ou un trouble lié à la consommation de substances. La plupart des dommages causés par les cigarettes sont dus aux 7000 produits chimiques contenant environ 70 substances cancérigènes produites lorsqu’elles sont fumées. Les personnes qui fument régulièrement du tabac le font en raison de la nature hautement addictive de la nicotine. Cela incite à continuer de fumer malgré le désir potentiel d’arrêter de fumer.

Conséquences de continuer à fumer du tabac

Le tabagisme est la principale cause de maladies évitables et de décès au Canada en raison d’un risque accru de plusieurs types de cancer, de maladies respiratoires, de maladies cardiovasculaires et d’autres problèmes de santé.

En 2012, le tabagisme était responsable de 45 464 décès et d’environ 599 390 années de vie potentielles perdues au Canada, et 993 décès supplémentaires ont été attribués à l’exposition à la fumée secondaire. Le tabagisme contribue à divers cancers (p. ex., poumon, bouche, vessie, col de l’utérus, côlon, rectum), aux maladies cardiovasculaires (p. ex., maladie coronarienne, accident vasculaire cérébral, athérosclérose, anévrisme de l’aorte, maladie artérielle périphérique) et aux affections pulmonaires (p. ex., emphysème, bronchite chronique). Il affecte également la santé reproductive (p. ex., infertilité, avortement spontané, naissance prématurée, faible poids à la naissance) et est lié à la mort néonatale, au syndrome de mort subite du nourrisson, à la ménopause précoce et à l’ostéoporose.

Fondements des recommandations

Données probantes

Des revues systématiques ont été menées pour évaluer les avantages et les inconvénients des interventions en abandon du tabagisme, y compris une revue sur les cigarettes électroniques et une synthèse des revues Cochrane sur les approches comportementales, pharmacologiques et autres.

  • Les approches comportementales et pharmacologiques augmentent la cessation tabagique : approches pharmacologiques et comportementales combinées (52 ECR), conseils brefs (26 ECR), counseling individuel (27 ECR) ou de groupe (9 ECR) par un conseiller formé en cessation tabagique et offert en personne ou par téléphone, interventions par SMS par téléphone mobile (12 ECR), matériel d’auto-assistance (24 ECR), bupropion (4 ECR), cytisine (2 ECR), TRN (8 ECR), et la varénicline (27 ECR).
  • Douze ECR suggèrent que les cigarettes électroniques contenant de la nicotine peuvent offrir un avantage faible à modéré à la cessation tabagique à 6 mois par rapport aux cigarettes électroniques sans nicotine ou à l’absence d’intervention, lorsque les deux groupes reçoivent un soutien comportemental ou ont accès à la TRN. Les cigarettes électroniques sans nicotine peuvent offrir un faible avantage.
  • Données probantes sur les préjudices identifiés :
    • La plupart des interventions comportementales n’avaient pas de préjudices identifiés ou ont été associées à peu ou pas de préjudices.
    • Le bupropion et la cytisine peuvent entraîner peu ou pas d’augmentation, voire une légère augmentation, des effets indésirables.
    • La TRN provoque probablement une légère augmentation des palpitations ou de la douleur thoracique, avec peu ou pas d’autres méfaits.
    • La varénicline est associée à une légère augmentation des effets indésirables.
    • Les cigarettes électroniques ont été associées à peu d’inconvénients à court terme, mais les données à long terme sur les méfaits de l’utilisation des cigarettes électroniques ne sont pas disponibles, et des études ont montré que de nombreuses personnes continuent de les utiliser à long terme après avoir cessé de fumer.

Justification

  • Les tentatives infructueuses d’arrêter de fumer et le tabagisme continu causent des dommages continus en raison d’une exposition prolongée au tabac.
  • En ce qui concerne les interventions comportementales, bien que la plupart des données sur les avantages soient de faible certitude, les effets positifs constants d’interventions similaires renforcent notre confiance. On n’a identifié que peu ou pas d’effets indésirables et ces interventions présentent des caractéristiques favorables au point de vue faisabilité, acceptabilité et équité.
  • Les pharmacothérapies sont également fortement recommandées; elles bénéficient d’un niveau de confiance faible à modéré concernant les bienfaits, avec des méfaits faibles mais à considérer, à opposer aux méfaits importants de la poursuite du tabagisme.
  • Les cigarettes électroniques sont conditionnellement non suggérées pour la plupart des personnes en raison d’un certain nombre d’incertitudes importantes, y compris le manque de données à long terme sur les méfaits potentiels. Cependant, les cigarettes électroniques peuvent aider certaines personnes à cesser de fumer, et il y a des méfaits bien établis à continuer de fumer. Nous reconnaissons que les cigarettes électroniques peuvent être une option pour certains, lorsqu’ils refusent d’utiliser d’autres options.
  • D’autres types de traitements ont des données probantes d’un niveau de confiance très faible ou montrent peu ou pas d’avantages et peuvent entraîner certains effets indésirables. Une forte recommandation est faite contre leur utilisation.