« Le surdiagnostic transforme inutilement les personnes en patients, en concluant à la présence de problèmes qui n’auraient autrement jamais entraîné d’inconvénients, ou en médicalisant des expériences de vie ordinaires sur la base d’une définition élargie de la maladie. » – BMJ EBM
Le surdiagnostic représente un problème de taille dans le domaine des soins de santé. Il sera au centre d’un important congrès international qui aura lieu à Calgary en juin 2022. Le Dr Eddy Lang et la Dre Guylène Thériault, tous deux membres du Groupe d’étude canadien, comptent parmi les dynamiques organisateurs du congrès Preventing Overdiagnosis 2022, où les thèmes des données probantes, de l’équité et des soins postpandémie seront abordés. Les Drs Lang et Thériault expliquent pourquoi ils pensent que cet enjeu est important et pourquoi vous devriez assister au congrès, qui sera pour beaucoup d’entre nous la première rencontre en personne depuis plus de deux ans.
Dr Eddy Lang, Faculté de médecine Cumming, Université de Calgary, et chef du département clinique de médecine d’urgence, Calgary
En tant qu’urgentologue, je ne connaissais à peu près rien du problème du surdiagnostic et n’en avais qu’une très faible compréhension, à l’instar de nombreux professionnels de la santé. Mais tout cela a changé lorsque je me suis joint au Groupe d’étude canadien, guidé par mon intérêt pour les méthodes d’élaboration des lignes directrices et par la conviction que le fardeau de la maladie, dont je constatais quotidiennement les conséquences aux services d’urgence, pouvait être allégé. Peu après avoir adhéré au Groupe, j’ai été abasourdi de constater l’ampleur du problème. J’ai aussi peu à peu pris conscience du nombre impressionnant de patients traités à l’urgence qui avaient probablement été victimes d’un surdiagnostic sans même connaître l’existence du problème.
Une première au Canada
Le fait d’être membre du Groupe d’étude canadien est un privilège, mais comporte aussi des responsabilités. L’occasion de soumettre une candidature en vue d’avoir le privilège d’accueillir le congrès s’est présentée à moi de façon complètement inattendue, la ville américaine dont le tour était venu de s’en acquitter, entre l’Europe et l’Australie, ayant dû se retirer en raison des bouleversements causés par la pandémie de COVID-19. Nous avons eu la chance de voir notre proposition acceptée, grâce au solide soutien de la Faculté de médecine Cumming de l’Université de Calgary et de son bureau de formation médicale continue, ainsi que de l’Institut de santé publique O’Brien.
Une menace à la santé publique endémique et insidieuse
Le congrès Preventing Overdiagnosis est sans doute la plus importante plateforme internationale vouée au partage des nouvelles connaissances sur le problème du surdiagnostic et à la formulation de solutions. J’ai eu la chance d’assister aux trois précédentes éditions du congrès, et bien que ces rencontres aient été extrêmement éclairantes, j’y ai décelé la prédominance d’un sentiment de frustration de la part des participants issus du milieu
universitaire. En effet, si les congressistes partageaient la même inquiétude et s’entendaient pour dire que le surdiagnostic constituait une menace à la santé publique endémique et insidieuse, il me semblait que peu de solutions ressortaient des rencontres.
Un profond changement
Nous envisageons la 10e édition du congrès comme le point de départ d’un profond changement, car non seulement elle permettra de faire la lumière sur le caractère généralisé du problème, mais elle suscitera également une mobilisation de la part des médias, de la population, des patients et des familles qui mènera à une prise de conscience, dans toutes les interactions du domaine des soins de santé, de la menace que représente le surdiagnostic et des moyens de contrer celui-ci. Mais surtout, nous voulons que le congrès Preventing Overdiagnosis 2022 donne lieu à la création d’un nouvel axe d’intervention au chapitre des politiques en matière de santé, ainsi qu’à la formulation d’un plan de recherche ciblé qui réussira à freiner les dommages engendrés par le surdiagnostic, aussi généralisés que largement sous-estimés. L’objectif est la transformation des principes fondamentaux de toutes les interactions en soins de santé.
Un patient averti en vaut deux
Nous espérons que les patients en arriveront à poser un regard critique et éclairé sur un vaste éventail de prélèvements et d’examens d’imagerie, en particulier si ces derniers sont demandés parce que l’on appréhende la présence d’un problème médical plutôt que dans le but d’expliquer des symptômes ou de confirmer des soupçons. Nous espérons aussi que le public et les professionnels de la santé s’arrêteront pour réfléchir et se demanderont dans quelle mesure ils sont convaincus que le fait d’accepter ou de poser un « diagnostic », que ce soit dans le cas d’un début de cancer ou d’un trouble de santé mentale, ou à la suite d’un résultat d’analyse ou d’examen d’imagerie, entraînera plus d’avantages que d’inconvénients.
Nous voulons que les gens exercent davantage leur esprit critique et se demandent s’ils devraient subir un examen dont la pertinence n’est pas justifiée et qui est susceptible de causer plus de tort que de bien. Cela peut également vouloir dire que certains diagnostics, comme celui d’une maladie thyroïdienne, devraient parfois être pris avec un grain de sel.
Cinq questions à la Dre Guylène Thériault, Chargée de cours clinique et spécialiste de la médecine basée sur des données probantes, campus Outaouais de l’Université McGill, coresponsable des soins primaires pour Choisir avec soin
Habituée des congrès Preventing Overdiagnosis, la Dre Guylène Thériault croit que la rencontre de cette année constituera un point tournant dans le monde des conférences médicales. Pour la première fois en plus de deux ans, des participants de tous les coins du monde auront la possibilité de se rencontrer en personne pour écouter des experts du domaine, apprendre de nouveaux concepts, remettre en question des idées et des façons de penser et échanger avec d’anciens et de nouveaux collègues.
1. Pourquoi avez-vous décidé de prendre part à l’organisation du congrèsPreventingOverdiagnosis?
Il y a un peu plus de 15 ans, j’ai acheté un livre intitulé Dois-je me faire tester pour le cancer?, écrit par Gilbert Welch. Ce livre a changé à jamais la façon dont je voyais le dépistage, et j’ai commencé à expliquer les avantages et les inconvénients du dépistage à mes patients. À l’époque, peu de cliniciens avaient ce type de préoccupation, alors lorsque j’ai appris, en 2013, qu’un congrès sur le sujet allait avoir lieu à Dartmouth, je m’y suis immédiatement inscrite. Dès mon retour, j’ai proposé à des collègues de présenter une conférence de trois heures sur le sujet, ce qui m’a ensuite amenée à m’impliquer auprès de l’Association médicale du Québec, qui organisait une série de conférences sur ce thème ainsi que le congrès sur le surdiagnostic à Québec en 2017. C’était ma première expérience au sein du comité de planification du congrès.
2. Pourquoi les gens devraient-ils participer au congrès?
Si vous aimez les débats d’idées et que vous êtes ouvert à de nouvelles façons de penser relativement à notre pratique médicale, ce congrès répondra à vos attentes. Vous en ressortirez riche de nouvelles idées sur les avenues à envisager pour fournir de meilleurs soins.
3. Parlez-nous de l’importance du congrès
Le congrès compte parmi le petit nombre de rencontres dont on peut dire qu’elles constituent un point tournant dans le monde de la médecine. Il nous faut repenser les soins de santé, et la lutte contre le surdiagnostic est un aspect important de ce processus.
4. Quel est le lien entre le congrès et ce que vous faites au sein du Groupe d’étude canadien?
Tout dépistage s’accompagne immanquablement d’un surdiagnostic. Il nous faut acquérir une compréhension approfondie de ce concept pour être en mesure d’évaluer de façon exhaustive les avantages et les inconvénients du dépistage.
5. Qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus à propos du congrès de cette année?
J’aurai l’occasion de m’adresser aux participants à titre de conférencière principale, ce que je considère comme un immense honneur.
Comme je fais partie du Groupe d’étude canadien, je suis évidemment une grande adepte du congrès sur le surdiagnostic, j’œuvre au sein de Choisir avec soin dans le but de contrer la surutilisation et j’enseigne la médecine basée sur les données probantes. Pour moi, toutes ces activités convergent vers le même but, et j’ai hâte d’entendre les différents points de vue des participants au congrès.
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