Fracture De Fragilisation—Résumé à l’intention des cliniciens

Cette ligne directrice traite du dépistage pour prévenir les fractures de fragilisation. Elle s’adresse aux praticiens de soins primaires, c’est-à-dire les professionnels de la santé qui fournissent des soins accessibles, continus, complets et coordonnés et qui sont le premier contact dans le système de santé.

Population

La population cible est constituée d’adultes de 40 ans et plus, qui vivent dans la collectivité et qui ne suivent pas actuellement de pharmacothérapie pour prévenir les fractures de fragilisation.

Recommandation

Nous recommandons un dépistage fondé sur l’évaluation des risques d’abord pour prévenir les fractures de fragilisation chez les femmes de 65 ans et plus (recommandation conditionnelle, données probantes de faible certitude) selon ce qui suit :

  1. FRAX : appliquer l’outil canadien d’évaluation du risque clinique FRAX (sans mesure de la DMO). Utiliser le risque absolu à 10 ans des fractures ostéoporotiques graves pour faciliter la prise de décision partagée quant aux bénéfices et aux préjudices possibles d’une pharmacothérapie préventive.
  2. DMO + FRAX : après cette discussion, si une pharmacothérapie préventive est envisagée, demander une mesure de la DMO par absorptiométrie à rayons X biphotonique du col du fémur. Réévaluer ensuite le risque de fracture en intégrant le score T de la DMO dans FRAX.

Nous recommandons de ne pas dépister les femmes de 40 à 64 ans et les hommes de 40 ans et plus comme mesure de prévention des fractures de fragilisation (recommandation forte, données probantes de très faible certitude).

Ces recommandations s’appliquent aux personnes qui vivent dans la collectivité et qui ne suivent pas de pharmacothérapie pour prévenir les fractures de fragilisation.

Mise en pratique

Conseils pour les cliniciens en soins primaires :

  • Être attentif aux changements de santé physique liés au risque de fracture de fragilisation.
  • Faire le dépistage chez les femmes de 65 ans et plus selon une approche d’abord fondée sur l’évaluation du risque:
    1. FRAX : appliquer l’outil canadien d’évaluation du risque clinique FRAX (sans mesure de la DMO). Utiliser le risque absolu à 10 ans des fractures ostéoporotiques graves pour faciliter la prise de décision partagée quant aux bénéfices et aux préjudices possibles d’une pharmacothérapie préventive.
    2. DMO + FRAX : après cette discussion, si une pharmacothérapie préventive est envisagée, demander une mesure de la DMO par absorptiométrie à rayons X biphotonique du col du fémur. Réévaluer ensuite le risque de fracture en intégrant le score T de la DMO dans FRAX.
    3. Une aide à la décision interactive a été mise au point pour aider les patients à évaluer les bénéfices et les préjudices potentiels d’une pharmacothérapie préventive en fonction de leur risque individuel (avant la mesure de la DMO).
  • Le groupe de travail ne recommande pas le dépistage chez les femmes de 40-64 ans et chez les hommes de 40 ans et plus.
  • Être conscient de l’importance de la prévention secondaire et prendre les patients en charge en conséquence.
  • On ne sait pas à quelle fréquence les femmes admissibles devraient être soumises à un nouveau dépistage, mais un nouveau dépistage dans les huit années suivantes ne semble pas utile.
  • Ces recommandations s’appliquent aux personnes qui vivent dans la collectivité et qui ne suivent pas de pharmacothérapie pour prévenir les fractures de fragilisation.

Il se peut que le dépistage des hommes de 65 ans et plus et des femmes de 50-64 ans soit pratique courante dans certaines administrations. Le groupe de travail suggère que ces administrations réévaluent cette pratique. En outre, on recommande de faire la transition au dépistage fondé sur l’évaluation des risques chez les femmes de 65 ans et plus (là où cela n’est pas le cas actuellement).

Le FRAX clinique peut être utilisé dans les zones rurales ou éloignées où l’accès à la mesure de la DMO est limité, car il n’y avait pas de différence significative dans l’étalonnage par rapport au FRAX + DMO. Cependant, aucun ECR n’a examiné le dépistage fondé uniquement sur l’évaluation des risques, et on ignore donc si cette pratique fournirait des résultats semblables à ceux de FRAX + BMD.

Fardeau de la maladie

En 2016, le taux annuel de fractures de la hanche chez les Canadiens était de 168 par 100 000 personnes de 65-79 ans et de 1 045 par 100 000 personnes de 80 ans et plus. Le taux annuel pour tout type de fracture était de 843 et 2 642 par 100 000 personnes de 65-79 ans et de 80 ans et plus, respectivement. À titre de comparaison, il y avait 193 infarctus aigus du myocarde par 100 000 Canadiens de 20 ans et plus. Chez les Canadiens de 50 ans et plus, on a recensé 131 443 fractures de fragilisation associées à 64 884 admissions en soins aigus et à 983 074 journées d’hospitalisation au cours de l’exercice 2010-2011. Le coût des fractures de fragilisation a été estimé à 4,6 milliards de dollars – ce montant comprend les soins aigus, de réadaptation et de longue durée, les médicaments sur ordonnance, la perte de salaire et les soins à domicile. En 2010, le coût des maladies cardiovasculaires et du cancer au Canada a été estimé à 13 milliards de dollars et à 5,4 milliards de dollars, respectivement.

Conséquences potentielles des fractures de fragilisation

  • Incapacité
  • Douleur chronique
  • Hospitalisation et chirurgie
  • Admission en soins de longue durée
  • Hausse du taux de mortalité
  • Diminution de la qualité de vie
  • Déficits majeurs en matière de mobilité et d’autonomie

Fondement des recommandations

Données probantes

Une méta-analyse a montré que parmi les femmes de 65 ans et plus « auto-sélectionnées » (c’est-à-dire désireuses de procéder de manière indépendante à une évaluation des risques), le dépistage fondé d’abord sur l’évaluation des risques réduit probablement les fractures de la hanche (6,2 de moins par 1 000 personnes [intervalle de confiance « IC » de 95 %, de 2,8 à 9,0 de moins]). Le dépistage réduit aussi probablement toutes les fractures de fragilisation cliniques (définies comme une fracture de fragilisation clinique ou une fracture ostéoporotique majeure) (5,9 de moins par 1 000, IC de 95 %, de 0,8 à 10,9 de moins). Ces chiffres ont été réévalués à l’aide des taux de fracture canadiens (suivis à 10 ans, de 1995-2005), ce qui a donné, respectivement, 4,0 fractures de la hanche (IC de 95 % de 1,8 à 5,8 en moins) et 11,9 fractures de fragilisation cliniques en moins (IC de 95 %, de 1,7 à 21,8 en moins) par 1 000 personnes dépistées.

Chez les hommes de 65 ans et plus, les données étaient très incertaines pour les fractures de la hanche et n’ont donc pas permis d’établir un bénéfice. Les données concernant les femmes de 45-54 ans étaient très incertaines en ce qui concerne les fractures de la hanche et les fractures de fragilisation cliniques et n’ont donc pas permis d’établir un bénéfice. Aucun essai contrôlé randomisé (ECR) n’a été trouvé pour les femmes de 55 à 64 ans, les hommes de 40 à 64 ans ou sur les intervalles de dépistage.

Les inconvénients du dépistage comprennent le surdiagnostic (c’est-à-dire les personnes classées à juste titre comme présentant un risque élevé [identifiées], mais qui n’auraient jamais pu le savoir ni subir une fracture et qui sont donc exposées à des évaluations supplémentaires ou à une pharmacothérapie préventive sans aucun bénéfice possible) et les effets indésirables du traitement (p. ex., le reflux). Les risques rares, mais graves de fracture fémorale atypique et d’ostéonécrose de la mâchoire peuvent également être accrus.

Justification

Selon le groupe de travail, chez les femmes de 65 ans et plus, la réduction des fractures de la hanche et des fractures de fragilisation cliniques l’emporte sur les risques de surdiagnostic (risque élevé), d’événements indésirables non graves et d’événements indésirables graves rares liés à une médication potentielle. Cette recommandation est conditionnelle en raison de la faible certitude des données et de l’aspect indirect des populations étudiées.

Le dépistage fondé sur l’évaluation des risques d’abord a été recommandé sur la base des méthodes utilisées dans les ECR, de la précision du FRAX canadien et des valeurs signalées par les patients. CAROC ne permet pas de calculer le risque sans la mesure de la DMO et n’a pas été utilisé dans les essais cliniques randomisés de dépistage.

La prise de décision partagée a été recommandée sur la base de l’acceptabilité du patient et des différents seuils FRAX pour l’accès à la mesure de la DMO dans les essais. Cela permet aux patients d’envisager d’avoir recours à une pharmacothérapie préventive une fois qu’ils ont compris leur risque individuel (avant la mesure de la DMO). Des aides à la décision décrivant le risque individuel de fracture et l’efficacité possible du traitement ont été produites dans ce contexte https://frax.groupeetudecanadien.ca

Les données probantes concernant les bénéfices pour les femmes de 40 à 64 ans et les hommes de 65 ans et plus étaient très incertaines. Il n’y a pas de données probantes pour les hommes de 40-64 ans. Les recommandations canadiennes actuelles ne préconisent pas la mesure de la DMO pour les femmes de moins de 65 ans (sans risque élevé). Le dépistage chez les hommes n’est pas pratique courante au Canada et la participation est faible malgré la recommandation de 2010 de faire le dépistage chez les personnes de 65 ans et plus. Compte tenu du risque de surdiagnostic (d’être identifié à « haut risque ») et du faible risque accru d’événements indésirables associés au traitement, nous recommandons de ne pas dépister les femmes de 40 à 64 ans et les hommes de 40 ans et plus. Ces recommandations sont fortes, parce qu’il n’y a pas de données probantes établissant directement un bénéfice (les données sont incertaines ou indirectes), qu’il y a une incertitude de faible à moyenne en ce qui concerne les préjudices et que, par conséquent, le groupe de travail accorde une grande importance au fait de ne pas consacrer de ressources pour des interventions dont le bénéfice n’a pas été établi. Cela est conforme à la méthode GRADE (Grading of Recommendations, Assessment, Development and Evaluation), selon laquelle des recommandations fortes peuvent être fondées sur des preuves à très faible degré de certitude s’il existe des preuves de préjudice ou de fortes conséquences en matière de ressources.