Titre de la ligne directrice
Clinical Practice Guideline for the Diagnosis and Management of Osteoporosis in Canada
Concepteur de la ligne directrice
Scientific Advisory Council of Osteoporosis Canada
Année de publication
2010
Année de l’évaluation critique
2013
Documents
Voir la publication d’origine (en anglais)
APERÇU
Cette ligne directrice1 met l’accent sur la prévention des fractures de fragilisation chez les adultes, une question de grande importance clinique qui représente un fardeau notable pour le système de santé au Canada. Chez les femmes, l’incidence annuelle de fractures ostéoporotiques est plus de deux fois l’incidence combinée des crises cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux et du cancer du sein2. Les médecins de première ligne jouent un rôle majeur dans la prévention de ces fractures. Cependant, il existe une grande variabilité de pratiques, y compris la sous-utilisation de traitements potentiellement bénéfiques. La ligne directrice a été élaborée au Canada par une équipe possédant une expertise diversifiée. Elle aborde les stratégies de prévention tel le dépistage du risque de fracture de fragilisation et la thérapie pharmacologique.
PERTINENCE AU MANDAT DU GÉCSSP
Toutes les sections de la ligne directrice sont pertinentes au mandat du GÉCSSP de prévention en matière de soins de santé primaires.
POPULATION
L’examen des données probantes se limitait aux hommes et femmes âgés de plus de 50 ans. Ainsi, cette ligne directrice ne s’applique pas aux enfants, ni aux adultes plus jeunes.
MÉTHODE DE SYNTHÈSE DES DONNÉES PROBANTES
Deux examens des données probantes ont été réalisés pour appuyer la ligne directrice2. Une recherche de novo pour des modèles d’évaluation des risques a identifié 26 études publiées entre 1990 et décembre 2009. L’examen des thérapies pharmacologiques et des événements indésirables fut une mise à jour de l’examen systématique mené par MacLean et al.3; il a identifié 34 études publiées entre janvier 2007 et le 11 décembre 2009. Les bases de données MEDLINE, Embase et EBM Reviews ont été examinées. Ces recherches ont été mises à jour avant la publication, ainsi des données pertinentes jusqu’au 19 septembre 2010 ont été incluses.
SYSTÈME DE NOTATION
Une catégorie de A à D a été attribuée pour chaque recommandation, dépendamment de la conception de l’étude et du consensus des experts. La catégorie A indique des preuves de qualité supérieure (par exemple, les examens systématiques, des essais contrôlés randomisés) et la catégorie D, des preuves de qualité inférieure (par exemple, des séries de cas, des rapports d’études de cas, des études cas-témoins)4. Un résumé détaillé du système de notation se trouve sur le site suivant (en anglais) : cmaj.ca.
QUALITÉ MÉTHODOLOGIQUE
Le GÉCSSP a évalué la qualité méthodologique de la ligne directrice en utilisant les critères «Appraisal of Guidelines Research & Evaluation» («AGREE II»)5 (Tableau 1).
Un score de 60% ou plus a été accordé à cette ligne directrice pour les domaines suivants: champ et objectifs, rigueur d’élaboration et indépendance éditoriale. Par conséquent, le GÉCSSP classifie cette ligne directrice comme étant de qualité supérieure. La concordance entre les évaluateurs, telle que mesurée par l’écart-type (ÉT) des scores «AGREE II», était élevée (ÉT < 1,5) pour la majorité des domaines.
Tableau 1. Score du domaine «AGREE II»
Domaine «AGREE II» |
Score du domaine |
Écart type |
Champ et objectifs |
71% |
1.0 |
Participation des groupes concernés |
53% |
1.2 |
Rigueur d’élaboration |
60% |
0.8 |
Clarté et présentation |
66% |
1.5 |
Applicabilité |
48% |
1.2 |
Indépendance éditoriale |
65% |
1.6 |
Note globale |
57% |
0.6 |
DISCUSSION
Ces recommandations portent sur l’évaluation, la prévention et la prise en charge des personnes âgées de plus de 50 ans qui sont à risque de fractures de fragilisation. La synthèse des données probantes qui les accompagne fournit un résumé complet de la littérature actuelle sur le dépistage de l’ostéoporose et les fractures de fragilisation.
Le GÉCSSP a identifié certaines inquiétudes lors de son évaluation critique. Les intérêts concurrentiels des concepteurs sont répertoriés, mais la méthode utilisée pour les gérer au cours de l’élaboration des lignes directrices n’est pas décrite. Bien que l’annexe 1 de la ligne directrice décrit les méthodes utilisées pour la synthèse des données probantes2, elle omet une description détaillée des questions de recherche et du public ciblé par la ligne directrice. Aucune justification n’est fournie pour expliquer pourquoi seulement 17 des 26 articles complets identifiés lors de l’examen des méthodes d’évaluation des risques ont été utilisés pour appuyer les recommandations. Les détails du système de notation sont fournis à l’annexe 1, mais ne figurent pas dans la ligne directrice même, ce qui pourrait rendre l’interprétation et l’application des recommandations difficile. Pour la plupart des interventions thérapeutiques (pharmacologiques) présentés, les éléments de preuve sont bien reliés aux recommandations, mais les liens sont moins bien établis pour les recommandations concernant l’exercice, le calcium et la vitamine D. Les recommandations qui spécifient les âges auxquels on devrait entamer et arrêter le dépistage ne semblent pas justifiées. Enfin, si elle mentionne brièvement la considération des préférences du patient, la ligne directrice aurait été fortifiée par l’énoncé explicite des facteurs qui doivent être considérés dans cette détermination.
Le GÉCSSP reconnaît l’importance de l’ostéoporose et des fractures qui en résultent. Toutefois, compte tenu de nos réserves sur les méthodes utilisées, cette ligne directrice peut être appliquée, mais avec prudence, particulièrement lors de l’application des recommandations à plus faible certitude ou appuyées par de plus faibles preuves.
RECOMMANDATIONS INITIALES
Chez qui devrais-je évaluer le risque d’osteporose et de fracture?
- Il faut évaluer les personnes de plus de 50 ans qui ont déjà eu une fracture de fragilisation. (catégorie A)
Comment dois-je évaluer le risque d’osteporose et de fracture?
- Mesurer chaque année la taille et rechercher des fractures vertébrales. (catégorie A)
- Évaluer les antécédents de chute au cours de l’année écoulée. Si une chute est survenue, il faut alors effectuer une évaluation de risque multifactorielle incluant la capacité à se lever d’une chaise sans se servir des bras. (catégorie A)
Quels examens dois-je prescrire en premier lieu?
- En fonction de l’évaluation clinique, effectuer des analyses biochimiques supplémentaires pour éliminer les causes secondaires d’ostéoporose chez les patients sélectionnés. (catégorieD)
- Doser les taux sériques de 25-hydroxyvitamine D chez les personnes qui recevront une pharmacothérapie contre l’ostéoporose, chez celles qui ont eu des fractures à répétition ou qui présentent une perte osseuse en dépit du traitement de l’ostéoporose et chez celles qui ont des comorbidités perturbant l’absorption ou l’action de la vitamine D. (catégorie D)
- Le taux sérique de 25-hydroxyvitamine D doit être mesuré après trois ou quatre mois de supplémentation adéquate et le dosage ne doit pas être répété si une concentration optimale (≥ 75 nmol/l) est atteinte. (catégorie B)
- Le taux sérique de 25-hydroxyvitamine D ne doit pas être dosé chez des adultes en bonne santé ayant un faible risque de déficit en vitamine D, c’est-à-dire sans ostéoporose ou pathologie perturbant l’absorption ou l’action de la vitamine D. (catégorie D)
La recherche de fractures vertébrales par radiographie ou absorptiométrie biénergétique à rayons X
- Réaliser des radiographies de profil de la colonne vertébrale thoracique et lombaire ou effectuer une recherche de fracture vertébrale par absorptiométrie biénergétique à rayons X s’il existe des preuves cliniques suggérant l’existence d’une fracture vertébrale. (catégorie A)
Comment puis-je évaluer le risque de fracture à 10 ans?
- L’évaluation du risque absolu de fracture doit être basée sur des facteurs établis incluant l’âge, la densité minérale osseuse, les antécédents de fracture de fragilisation et l’utilisation de glucocorticoïdes. (catégorie A)
- La version 2010 de l’outil de l’Association canadienne des radiologistes et d’Ostéoporose Canada et la version canadienne de l’outil d’évaluation du risque fracturaire de l’OMS doivent être utilisées au Canada, parce qu’elles ont été validées auprès de la population canadienne. (catégorie A)
- Pour les besoins de l’établissement de rapports sur la densité minérale osseuse, la version 2010 de l’outil de l’Association canadienne des radiologistes et d’Ostéoporose Canada est actuellement le système d’évaluation du risque préféré à l’échelle nationale. (catégorie D)
- Seul le score T pour le col fémoral (dérivé de la plage de référence pour les femmes caucasiennes dans l’étude sur la santé et l’éducation nutritionnelle [National Health and Nutrition Education Survey III]) doit être utilisé pour calculer le risque de fracture ostéoporotique future avec l’un ou l’autre système. (catégorie D)
- Il faut considérer que les personnes ayant un score T pour la colonne lombaire ou la hanche totale ≤ –2,5 ont au minimum un risque modéré. (catégorie D)
- Les fractures multiples confèrent un risque supérieur à une fracture unique. De plus, l’existence d’antécédents de fractures de la hanche et de vertèbres confère un plus grand risque que les autres fractures osseuses. (catégorie B)
Quelles sont les options thérapeutiques? Activité physique et prévention des chutes
- Des exercices incluant un entraînement contre résistance et adaptés à l’âge du sujet ainsi qu’à ses capacités fonctionnelles, et/ou des exercices d’aérobie avec mise en charge sont recommandés pour les personnes qui ont de l’ostéoporose ou qui sont à risque d’en avoir. (catégorie B)
- Des exercices destinés à améliorer la stabilité axiale et à compenser ainsi la faiblesse musculaire ou les anomalies posturales sont recommandés pour les personnes qui ont eu des fractures vertébrales. (catégorie B)
- Des exercices qui mettent l’accent sur l’équilibre, comme le tai chi, ou l’entraînement à la marche devraient être considérés pour les personnes qui présentent des risques de chute. (catégorie A)
- L’utilisation de protecteurs de hanche devrait être considérée pour les adultes plus âgés résidant dans des établissements de soins de longue durée qui possèdent un risque élevé de fracture.
Quelles sont les options thérapeutiques? Calcium et vitamine D
- La dose quotidienne totale de calcium élémentaire absorbée (fournie par l’alimentation et les suppléments) pour les personnes de plus de 50 ans devrait être 1200 mg. (catégorieB)
- Chez les adultes en bonne santé présentant un faible risque de déficit en vitamine D, une supplémentation habituelle quotidienne de 400 à 1000 UI (10–25 μg) de vitamine D3 est recommandée. (catégorieD)
- Chez les adultes de plus de 50 ans présentant un risque modéré de déficit en vitamine D, une supplémentation quotidienne de 800 à 1000 UI (20–25 μg) de vitamine D3 est recommandée. Une supplémentation quotidienne de plus de 1000 UI (25 μg) peut être nécessaire pour parvenir à un niveau optimal de vitamine D. Des doses quotidiennes allant jusqu’à 2000 UI (50 μg) sont sécuritaires et ne nécessitent pas de surveillance. (catégorieC)
- Pour les personnes recevant une pharmacothérapie contre l’ostéoporose, le dosage de la 25-hydroxyvitamine D doit être fait après trois ou quatre mois de supplémentation adéquate et n’a pas besoin d’être répété si un taux optimal (≥ 75 nmol/L) est atteint. (catégorie D)
Traitment pharmacologique
- Pour les femmes ménopausées qui ont besoin d’un traitement pour l’ostéoporose, l’alendronate, le risédronate, l’acide zolédronique et le dénosumab peuvent être utilisés en traitement de première ligne pour la prévention des fractures de la hanche, des fractures vertébrales et des fractures non vertébrales. (catégorie A)
- Pour les femmes ménopausées qui ont besoin d’un traitement pour l’ostéoporose, le raloxifène peut être utilisé comme traitement de première ligne pour la prévention des fractures vertébrales. (catégorie A)
- Pour les femmes ménopausées qui ont besoin d’un traitement pour l’ostéoporose en association avec le traitement de symptômes vasomoteurs, l’hormonothérapie peut être utilisée en traitement de première ligne pour la prévention des fractures de la hanche, des fractures vertébrales et des fractures non vertébrales. (catégorie A)
- Pour les femmes ménopausées qui ne tolèrent pas les traitements de première ligne, la calcitonine ou l’étidronate peuvent être envisagés pour la prévention des fractures vertébrales. (catégorie B)
- Pour les hommes qui ont besoin d’un traitement pour l’ostéoporose, l’alendronate, le risédronate et l’acide zolédronique peuvent être utilisés comme traitements de première ligne pour la prévention des fractures. (niveau D)
- La testostérone n’est pas recommandée pour le traitement de l’ostéoporose chez les hommes. (catégorie B)
Effets secondaires
- Pour une prise de décision éclairée, il faut discuter des risques et des avantages potentiels des médicaments prescrits avant l’instauration du traitement. (catégorie D)
Groupes particuliers
- Pour les patients de plus de 50 ans qui reçoivent un traitement aux glucocorticoïdes à long terme (≥ trois mois de traitement cumulé au cours de l’année précédente à une dose quotidienne équivalente à ≥ 7,5 mg de prednisone), un bisphosphonate (alendronate, risédronate, acide zolédronique) doit être amorcé d’emblée et poursuivi pendant au moins toute la durée du traitement aux glucocorticoïdes. (catégorie A)
- Le tériparatide devrait être envisagé pour les patients à risque élevé de fracture qui prennent des glucocorticoïdes (≥ trois mois de traitement cumulé au cours de l’année précédente à une dose quotidienne équivalente à ≥ 7,5 mg de prednisone). (catégorie A)
- Pour les utilisateurs à long terme de glucocorticoïdes qui ne tolèrent pas les traitements de première ligne, la calcitonine ou l’étidronate peuvent être envisagés pour prévenir une perte de densité minérale osseuse. (catégorie B)
- Il faut évaluer le risque fracturaire des femmes qui prennent des inhibiteurs de l’aromatase et des hommes qui reçoivent un traitement antiandrogène, et envisager pour ces personnes un traitement contre l’ostéoporose afin de prévenir l’apparition de fractures. (catégorie B)
Comment dois-je prendre en charge les patients à risque de fracture?
- L’instauration du traitement pharmacologique pour traiter l’ostéoporose doit se fonder sur une évaluation du risque absolu de fracture à l’aide d’un outil validé de prédiction des fractures. (catégorie D)
Comment dois-je prendre en charge les patients à risque de fracture? Risque élevé
- Il faut proposer le traitement pharmacologique aux patients à risque absolu élevé (probabilité sur 10 ans > 20 % de fracture ostéoporotique majeure). (catégorie D)
- Les personnes de plus de 50 ans qui ont eu une fracture de fragilisation à la hanche ou à une vertèbre et celles qui ont eu plus d’une fracture de fragilisation courent un risque élevé de fractures subséquentes, et il faut leur proposer un traitement pharmacologique. (catégorie B)
Comment dois-je prendre en charge les patients à risque de fracture? Risque modéré
- Pour les patients exposés à un risque modéré de fracture, la préférence du patient et les facteurs de risque supplémentaires (Annexe 1, disponible à cmaj.ca) doivent servir à orienter la pharmacothérapie. (catégorie C)
Comment dois-je prendre en charge les patients à risque de fracture? Risque faible
- Un traitement pharmacologique n’est habituellement pas nécessaire pour les patients à faible risque de fracture.
Quand dois-je interrompre le traitement ou utiliser un traitment combiné?
- Les personnes à risque élevé de fracture doivent poursuivre le traitement de l’ostéoporose sans congé thérapeutique. (catégorie D)
- Les cliniciens doivent éviter de prescrire simultanément plus d’un inhibiteur de la résorption osseuse pour la réduction du risque de fracture. (catégorie D)
Application des connaissances
- Après une fracture de fragilisation, on doit cibler une initiative éducative au niveau du patient et du médecin de première ligne. (catégorie B)
- La gestion de cas est recommandée comme étant une approche efficace aux soins après la fracture pour améliorer à la fois le diagnostic et la prise en charge de l’ostéoporose. (catégorie A)
- Des outils destinés aux lieux de soins ainsi que d’autres stratégies ciblées sont recommandées pour soutenir la mise en œuvre des lignes directrices sur l’ostéoporose en pratique clinique. (catégorie B)
REFERENCES
- Papaioannou A, Morin S, Cheung AM, Atkinson S, Brown JP, Feldman S, et al.; Scientific Advisory Council of Osteoporosis Canada. 2010 clinical practice guidelines for the diagnosis and management of osteoporosis in Canada: summary. CMAJ. 2010;182(17):1864–1873.
- Papaioannou A, Morin S, Cheung AM, Atkinson S, Brown JP, Feldman S et al.; Scientific Advisory Council of Osteoporosis Canada. 2010 clinical practice guidelines for the diagnosis and management of osteoporosis in Canada. Appendix 1: Background materials for 2010 clinical practice guidelines for the diagnosis and management of osteoporosis in Canada. CMAJ. 2010;182(17):1864–1873. 213. Available at: <http://www.cmaj.ca/content/suppl/2010/10/12/cmaj.100771.DC1/App_1_ Jul_14_2011.doc.pdf>. Accessed 2013 Nov 13.
- MacLean C, Newberry S, Maglione M, McMahon M, Ranganath V, Suttorp M, et al. Systematic review: comparative effectiveness of treatments to prevent fractures in men and women with low bone density or osteoporosis. Ann Intern Med. 2008;148(3):197–213.
- Meltzer S, Leiter L, Daneman D, Gerstein HC, Lau D, Ludwig S, et al. 1998 clinical practice guidelines for the management of diabetes in Canada. CMAJ. 1998;159 Suppl 8:S1–S29.