Cette ligne directrice sur le dépistage de la dépression pendant la grossesse et la période postnatale fournit des conseils aux professionnels de la santé de première ligne (p. ex., médecins, infirmières, sages-femmes ou autres prestataires de soins) qui pourraient servir de premier point de contact pour les soins pendant la grossesse ou la période postnatale.
Cette ligne directrice s’adresse aux personnes enceintes ou qui sont dans l’année qui suit l’accouchement. La recommandation s’applique aussi aux personnes qui peuvent présenter un risque élevé de dépression (p. ex., traumatisme au début de la vie, antécédents familiaux de dépression). Elle ne s’applique pas aux personnes qui ont des antécédents personnels ou un diagnostic récent de dépression ou d’un autre trouble de santé mentale, à celles qui reçoivent une évaluation ou un traitement pour des troubles de santé mentale ou à celles qui cherchent à obtenir des services en raison de symptômes de dépression.
Le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs déconseille l’utilisation systématique d’instruments de dépistage de la dépression utilisant un score prédéfini pour distinguer les cas « positifs » des cas « négatifs » chez toutes les personnes enceintes et en période post-partum (jusqu’à 1 an après l’accouchement) (recommendation conditionnelle, données de très faible certitude).
Cette recommandation présuppose que les soins habituels durant la grossesse et la période postnatale incluent une attention minutieuse à la santé mentale et au bienêtre des personnes.
Mise en pratique
Le terme « dépistage » dans cette recommandation fait référence à un processus de routine dans le cadre duquel les professionnels administrent un instrument comme un questionnaire à chaque personne enceinte ou en période postnatale qui ne manifeste pas déjà des symptômes de dépression, puis utilisent un score prédéfini pour déterminer des mesures de suivi.
Conseils aux professionnels :
Le dépistage peut être une pratique courante dans certaines administrations. Le Groupe de travail suggère que les administrations réexaminent cette approche si elle est déjà en place.
Fardeau de la maladie
Les estimations de la prévalence de la dépression pendant la grossesse ou la période postnatale varient. Un examen systématique de 2005 a estimé que la prévalence ponctuelle de la dépression majeure pendant la grossesse et la période postnatale variait de 1 % à 6 % à différents moments (du premier trimestre de la grossesse à un an après l’accouchement). Une enquête nationale menée en 2008 aux États-Unis a révélé que la prévalence de la dépression sur une période de 12 mois était de 8 % chez les personnes enceintes et de 9 % chez les personnes en période postnatale, comparativement à 8 % chez les personnes qui ne sont pas enceintes.
Les conséquences d’une dépression non traitée pendant la grossesse et la période postnatale peuvent avoir une incidence sur la personne enceinte et son nourrisson individuellement, ainsi que sur les interactions parent-enfant et les relations avec le partenaire.
Conséquences possibles pour la personne enceinte
Conséquences potentielles pour le nourrisson
Conséquences possibles sur les interactions parent-enfant
Données probantes
Les données disponibles sur le dépistage sont très incertaines, en raison de l’absence d’études de grande qualité sur les bénéfices et les préjudices du dépistage. Un seul essai randomisé de dépistage postnatal a été trouvé dans notre examen de la documentation, et les données probantes qu’il a fournies étaient très incertaines. Cela signifie que les effets réels du dépistage sont probablement très différents des données de l’étude. Aucune étude n’a été trouvée sur le dépistage pendant la grossesse.
Nous n’avons trouvé aucune donnée probante sur les préjudices du dépistage dans notre examen systématique, mais des données probantes provenant d’autres sources indiquent que le temps et l’accent mis sur le dépistage pourraient réduire les occasions de discuter d’autres aspects de la santé au cours d’une rencontre de soins primaires périnataux, car les professionnels évalueraient et référeraient souvent et inutilement les personnes qui obtiennent un résultat positif au dépistage. Une étude sur l’exactitude de l’EPDS, par exemple, porte à croire que le dépistage de 100 personnes à l’aide de l’EPDS (dont la prévalence est de 8 %) donnerait 5 vrais positifs, 3 faux négatifs, 5 faux positifs et 87 vrais négatifs.
Justification
Cette recommandation conditionnelle est fondée sur des données probantes très incertaines quant à l’effet du dépistage sur les résultats positifs, et sur des données probantes limitées au sujet des préjudices. On ne sait pas si le dépistage présente des bénéfices par rapport aux soins usuels, mais il pourrait entraîner une augmentation du nombre de faux positifs, de faux négatifs, de références et d’évaluations diagnostiques inutiles et de diagnostics excessifs pour certaines personnes.
Compte tenu des défis importants liés à l’accès aux services de santé mentale au Canada, le fait de consacrer, sans bénéfice clair, des ressources qui profiteraient davantage aux personnes réellement atteintes de troubles de santé mentale pourrait constituer un préjudice non intentionnel de ce genre de dépistage. Le Groupe de travail est conscient des contraintes en matière de ressources auxquelles fait face notre système de soins de santé primaires et, à ce titre, il formule des recommandations contre les interventions lorsqu’il est clair qu’une intervention consomme des ressources sans pour autant qu’il y n’ait de bénéfices clairs.